BARRE (océanographie)

BARRE (océanographie)
BARRE (océanographie)

Le terme «barre» désigne des accumulations prélittorales qui relèvent de deux classes distinctes dans leurs formes et dans leurs genèses: d’une part les barres d’avant-côte, constituées parallèlement à un rivage; d’autre part les barres d’estuaires ou de goulets, formées transversalement à un courant, à l’endroit où il ralentit.

Barres d’avant-côte

Les barres d’avant-côte (en anglais off-shore bars ) se constituent par le déferlement des houles longues là où la profondeur diminue assez pour provoquer ce déferlement. Il en existe deux variétés: lorsque, sur une côte, se succèdent des houles variées, les unes forment des barres, les autres les font migrer vers le littoral où elles se soudent aux cordons littoraux qu’elles épaississent ou prolongent. Ces barres migrantes sont les plus fréquentes sur les littoraux des moyennes latitudes. Lorsqu’au contraire les houles sont constantes dans leur force et dans leur direction, comme cela arrive dans les pays tropicaux, et notamment sur les côtes d’Afrique occidentale, la barre d’avant-côte se forme à une profondeur déterminée et y reste. Sa présence renforce encore la vigueur du déferlement, et c’est l’ensemble formé par le phénomène de déferlement et par l’accumulation qui porte le nom de barre.

Barres migrantes

Aux latitudes moyennes se succèdent irrégulièrement divers types de houle: des houles longues et puissantes, bien formées, nées au loin et que leur longue course a régularisées; des houles courtes, mues par les vents locaux, hachées, irrégulières; des houles à la fois fortes et irrégulières, dues aux tempêtes locales. Les houles du premier type façonnent les barres, les secondes les font migrer, les troisièmes les détruisent.

La formation d’une barre est en effet due à ce qu’à une certaine profondeur les vagues déferlent, mettant le sédiment du fond en suspension et le repoussant, partie vers le large et partie vers la côte. Lorsque des vagues successives déferlent au même endroit, leurs effets s’accumulent, et du côté au large se constitue une crête de sable (car il est très rare qu’une barre soit faite de galets) dont la présence maintiendra à cet endroit le déferlement des autres vagues, même si leur amplitude ou la hauteur d’eau viennent à varier un peu. On voit par là que ces barres, nommées à juste titre d’avant-côte, ne peuvent se former que sous une certaine profondeur d’eau, en avant du trait de côte instantané. Bien entendu, elles peuvent émerger à marée basse, si l’amplitude de la marée le permet.

Leur migration vers le rivage est le fait des houles courtes et hachées, de faible hauteur, émues par les vents locaux; ces houles ont en effet plus de force dans le jet de rive que dans le retrait; cette propriété est surtout marquée le long du trait de côte, et c’est pourquoi les migrations les plus rapides sont observées sur des barres découvrant à marée basse. Les barres migrent dans la même direction que les vagues, remontant la pente de l’estran, soit jusqu’à ce qu’elles atteignent le rivage et se fondent au cordon littoral, soit jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent sur l’estran parce que les houles sont trop vite amorties pour les repousser plus loin. Dans ce cas, des barres formées successivement au large s’empilent les unes sur les autres (ou devant les autres), permettant à une flèche littorale autonome de se constituer. On appelle barre de mi-baie une telle flèche constituée indépendamment de tout cordon littoral, à la faveur d’une nette diminution de profondeur dans une baie.

Barres stationnaires

Aux basses latitudes, surtout sur les côtes sous le vent, il n’y a d’efficaces que les houles longues, mises en route très loin, par les perturbations du front polaire, et donc très régulières quand elles atteignent la côte. Les barres d’avant-côte ne migrent donc pas, d’autant moins que le marnage est souvent médiocre. Lorsque l’avant-côte est en pente douce, le déferlement se produit nettement en avant du trait de côte (entre 100 et 300 m en général, localement plusieurs kilomètres); la barre est très volumineuse, stable dans sa position, et son franchissement est d’autant plus difficile que le déferlement est très vigoureux.

Quand la pente de l’avant-côte est très marquée, le déferlement se produit très près du rivage, et ne diffère alors de celui des régions tempérées que par la constance de sa position et par le rapport très élevé entre la hauteur du rouleau et celle de la vague au large.

Le phénomène est classique sur les côtes d’Afrique occidentale, mais il se produit aussi sur certaines côtes américaines ou japonaises; il y est toutefois moins régulier parce qu’à certaines saisons soufflent des vents de mer soulevant de petites houles locales qui, sans être assez fréquentes pour faire vraiment migrer les barres, suffisent à les écrêter.

La barre empêche l’accès au littoral d’Afrique occidentale des gros bateaux, sauf en quelques points privilégiés, comme les presqu’îles (Conakry) ou les débouchés de graus à grands échanges d’eau (Lagos). Pendant longtemps, on a transbordé marchandises et passagers sur de frêles esquifs capables de franchir la barre; encore le déferlement rendait-il ce passage dangereux. Puis on a construit des wharfs, ou jetées sur pilotis, longs de plusieurs centaines de mètres, à l’extrémité desquels les navires accostaient, au large de la barre. De nos jours, les principaux ports sont dotés de chenaux d’accès, orientés de telle sorte que la barre ne puisse s’y former, ou bien, comme à Abidjan, débouchant sur une zone trop profonde pour qu’il y ait déferlement.

Barres de débouchés

Les barres d’estuaires, et leurs homologues du précontinent, sont façonnées, non par les houles seules, mais, surtout, par les courants.

Barres d’estuaires

Ce sont des accumulations marines qui se constituent, un peu en avant de l’embouchure d’un fleuve, par le refoulement vers le large des sédiments qui cheminent le long de la côte. Le phénomène est dû, soit aux eaux fluviales proprement dites, soit, plus souvent, au reflux des eaux marines entrées dans l’estuaire à la faveur de la marée. Le fait se produit d’ailleurs avec une particulière netteté devant les rias qui ne reçoivent guère d’eaux continentales. Ces barres rendent l’entrée des navires dans ces goulets souvent difficile, parfois dangereuse d’autant plus qu’elles sont instables et que seuls les pratiques du port peuvent en suivre tous les déplacements. Une dérive littorale importante, apportant du sable en abondance devant l’embouchure, est la condition du maintien de telles barres: celle qui gênait autrefois le port du Guilvinec (Finistère) n’a pas reparu après avoir été détruite par dragage, parce qu’elle était bien séparée des plages voisines. Celles des passes de Lorient sont plus difficiles à vaincre parce que le plateau sableux est vaste (cf. ABRASION MARINE, fig. 4). Celle de la rivière d’Étel, la plus célèbre, est actuellement indestructible, parce qu’elle fait partie d’une plage arquée d’une trentaine de kilomètres de long.

Barres sous-marines du large

Elles se forment, sur la partie interne du précontinent, dans des profondeurs médiocres et parmi des reliefs contrastés, sous l’influence des courants, et surtout des courants de marée: lorsqu’un tel courant, après avoir été resserré, puis accéléré, entre deux reliefs, parvient dans une large dépression où il s’étale et ralentit, il y dépose une partie importante de sa charge. Ces accumulations ont généralement un plan arqué, avec leur point culminant dans le prolongement de l’axe du détroit, et un profil dissymétrique; les deux cornes latérales, plus basses, se rapprochent des deux reliefs entre lesquels le courant était contenu.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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